1925-1927

La grande affaire de l'année 1925 fut bien évidemment l'ouverture à Paris de l'Exposition des Arts décoratifs et industriels modernes, manifestation internationale se voulant à l'avant-garde de l'évolution artistique. En tant que rénovateur de la dinanderie, Jean Dunand avait été nommé vice-président de la classe "Métal", et les organisateurs lui avaient passé commande de quatre vases monumentaux destinés à décorer la cour intérieure du Pavillon des Métiers d'art. Emile-Jacques Ruhlmann présenta un grand bahut laqué en noir par Dunand, et décoré par Jean Lambert-Rucki. Dans une vitrine du hall, les visiteurs pouvaient également admirer des vases de Dunand, aux lignes sobres et élégantes.

Conscient des qualités résolument novatrices de Jean Dunand, le président de la société des Artistes décorateurs, Maurice Bokanowski, avait donné suite à sa demande en lui confiant l'exécution d'une pièce entière dans le Pavillon du groupe. Le thème retenu étant celui d'une "Ambassade française à l'étranger", Dunand choisit de traiter le fumoir des appartements privés. De style japonais, tant au niveau des harmonies de couleurs qu'au niveau du traitement des volumes, ce lieu d'exception en laque noir et rouge fut considéré par certains comme l'ensemble le plus complet et le plus heureux de toute l'Exposition.

Les autres participations de Jean Dunand à cette exposition furent nombreuses car beaucoup, amis ou simples relations, tinrent à associer leurs oeuvres aux siennes. Par exemple, dans le Pavillon de l'Élégance, on lui emprunta quelques vases pour agrémenter le stand de Madame Agnès, la célèbre modiste, et dans la section "Moyens de transport", des laques de Dunand voisinaient avec des verreries de René Lalique dans un appartement de grand luxe réalisé pour la Compagnie Générale Transatlantique.

Le 20 juin, l'éminent président de la Société des Gens de Lettres, Georges Lecomte, reçut son épée d'académicien, oeuvre de Jean Dunand. L'année 1925 se termina par la traditionnelle exposition du groupe à la galerie Georges Petit. Elle eut d'autant plus de succès cette année-là que la grande manifestation de l'été avait créé un réel mouvement de sympathie en faveur de l'art moderne. Remarquablement sélectionnée, elle ne réunissait que des pièces de qualité présentées avec un goût parfait, dans un cadre particulièrement luxueux.

En mars 1926, Jean Dunand participa à l'exposition de l'Union centrale des Arts décoratifs, et en mai au Salon des Tuileries. Le 22 mai, il fut promu Officier de la Légion d'honneur. Le fumoir du Pavillon de "l'Ambassade française" à l'Exposition de 1925 avait séduit nombre de visiteurs et plusieurs amateurs, se rendant compte de la perfection esthétique de cette démarche, passèrent commande d'installations semblables tout en les adaptant à leur environnement personnel. Le renom international de Dunand et ses grandes compétences reconnues de tous le firent nommer vice-président de la Société des Artistes décorateurs. La présidence lui avait été proposée mais Dunand, en raison de ses multiples activités, n'avait pas cru devoir l'accepter.

L'exposition du cuivre et du bronze moderne au musée Galliera, fin juin, permit une fois encore de constater que jamais ses vases de métal battu n'avaient été plus beaux. Il se renouvelait sans cesse et surprenait toujours par ses idées décoratives. Les dimensions de ses vases, de plus en plus importantes, fascinaient les visiteurs tout autant que les critiques d'art. Tous se plurent alors à en souligner la beauté, ainsi que la simplicité et la perfection de l'équilibre de leurs formes. Les moindres de ses ouvrages devenaient les plus indiscutables attraits des Salons auxquels il participait. Dès cette époque, l'oeuvre de Dunand est considérée comme une sorte de patrimoine national et sa participation au Salon d'Automne donne lieu à de sévères critiques en ce qui concerne les suiveurs et pasticheurs qui, sans vergogne, exposent à ses côtés des articles reprenant les mêmes formes, le même décor et les mêmes matières.

La manifestation annuelle Dunand-Goulden-Jouve-Schmied a une fois de plus lieu à la galerie Georges Petit. Avec quelques portraits, dont celui de Joséphine Baker, ce sont dix-sept paravents que Jean Dunand présente. Ils sont considérés comme des merveilles de fantaisie et de bon goût. Sa participation est de loin la plus importante et la plus spectaculaire. Tout se passe comme si les autres membres du groupe avaient soudainement pris conscience qu'ils ne pouvaient plus rivaliser avec Dunand. Une exposition est ensuite organisée à New-York, dans une galerie mise à la disposition de Dunand. Elle démontre aux Américains, qui n'avaient pas encore fait le voyage de Paris, tout le bien-fondé de la réputation de Jean Dunand. Un grand panneau vertical à décor de poissons japonais est reproduit dans toute la presse.

A partir de 1927, Jean Dunand est président de la classe dinanderie à l'Exposition nationale du Travail dont le but est de décerner chaque année le titre de "Meilleur ouvrier de France" à un artisan ayant présenté ses oeuvres au jury. Participant avec la délégation française à l'Exposition internationale de Madrid en 1927, il obtient un Grand Prix que viendra confirmer une fois encore la qualité exceptionnelle de son stand au Salon des Artistes décorateurs du mois de juin à Paris. C'est le triomphe de la laque, car ce n'est pas seulement son imagination décorative que l'on apprécie dans son oeuvre, mais aussi l'accord intime de l'art et du métier. Cette période semble marquer le point final de l'utilisation décorative de la géométrie chez Dunand qui se tourne peu à peu vers des décorations de plus en plus figuratives.

Cette année-là, l'été fut mis à profit pour partir en croisière sur le voilier que François-Louis Schmied s'était offert. Baptisé Peau-Brune, sa proue et son aménagement intérieur avaient été conçus par Jean Dunand. Les deux amis, Schmied et Dunand, s'embarquèrent aux Sables-d'Olonne avec la fille aînée de Dunand, Alix, et plusieurs membres d'équipage. Après avoir contourné l'Espagne, ils cabotèrent d'un port à l'autre jusqu'à La Ciotat. Chaque escale, chaque crique, furent prétexte à des photos et à des aquarelles.

Toujours en 1927, Dunand participe à la décoration du paquebot Ile de France. Quoique très simplement aménagé, la richesse de l'ornementation et l'extraordinaire variété des matériaux utilisés dans le paquebot annoncent déjà les splendeurs de L'Atlantique et de Normandie. L'année se termine encore une fois par la manifestation du groupe à la galerie Georges Petit. Dunand y présente de nombreuses pièces, et en particulier deux grands vases dont la comédienne Jane Renouardt fait l'acquisition. Ils devaient par la suite, dans les années soixante-dix, devenir pour un temps l'apanage de la collection du couturier Karl Lagerfeld.

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