Une exposition célèbre un maître genevois de l'Art déco
« Jean Dunand l’alchimiste » - Musée d'art et d'histoire de Genève - 1er mars au 20 août 2023

Intitulé «Jean Dunand l’alchimiste», un très bel accrochage dévoile une centaine d’œuvres d’un artiste à la créativité et à la virtuosité folles, qui fit carrière à Paris.

 

Une personnalité modeste et travailleuse, une curiosité insatiable pour les arts et techniques, et une audace stylistique rare: le Genevois Jean Dunand a marqué de son talent la période de l’entre-deux-guerres, devenant l’une des figures de proue de la scène artistique parisienne. Le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) rend hommage à ce créateur virtuose avec une exposition très réussie. Intitulé «Jean Dunand l’alchimiste» et curaté par Gaël Bonzon, l’accrochage dévoile une centaine d’œuvres tirées de l’important fonds conservé par l’institution, enrichies par un corpus inédit de pièces prêtées par la famille de l’artiste, des collectionneurs privés ainsi que des musées suisses et français.
«Si on a choisi de qualifier Jean Dunand d’alchimiste, ce n’est pas pour sa faculté à transmuter les métaux, sourit la commissaire. Mais parce que son génie et son goût pour la recherche et l’expérimentation lui ont permis de tirer de la matière toutes les formes d’art.» Cette maîtrise s’applique en effet à une grande variété de matériaux et à travers divers moyens d’expression, de la sculpture aux tableaux en passant par la réalisation d’objets d’usage.

Le feu, la terre, l’air et l’eau

La présentation articule le parcours de l’artiste autour des quatre éléments, comme autant d’échos à son univers créatif. Le feu évoque son travail du métal, la terre relate son usage innovant de la laque naturelle – une résine extraite des arbres –, l’air renvoie à ses délicates et lumineuses créations Art déco, et l’eau se concentre sur les décors spectaculaires réalisés pour le paquebot Normandie au mitan des années 30.
Né Jules-John Dunand le 20 mai 1877 à Lancy, celui qui adoptera le prénom de Jean en 1909 grandit dans un milieu proche de la bijouterie, puisque son père est fondeur d’or pour l’industrie horlogère. À 14 ans, il entre en classe de sculpture et modelage de l’École des arts industriels de Genève. Il y rencontre Carl Angst et François-Louis Schmied, qui deviennent ses amis pour la vie et eux-mêmes artistes de renom à Paris. En 1897, il obtient une bourse genevoise pour poursuivre ses études dans la capitale française.
À la fin de sa formation, il s’établit définitivement dans la Ville Lumière et y installe son atelier en 1904. Deux ans plus tard, il épouse Marguerite Moutardier, avec laquelle il aura six enfants. Durant les vacances, Jean Dunand revient à Genève; il en profite pour effectuer des stages auprès du chaudronnier Auguste Dannhauer, qui l’initie à l’art exigeant de la dinanderie.
Très fastidieux, ce procédé exige de marteler à froid une plaque circulaire de métal en la réchauffant régulièrement au chalumeau pour l’assouplir, et d’ainsi la refermer sur elle-même pour lui faire adopter, sans soudure, la forme voulue. «Requérant une énergie méthodique et beaucoup de patience, cette discipline convient bien à la personnalité réfléchie et persévérante de Jean Dunand», explique Gaël Bonzon. Rendant compte de l’habileté de l’artiste, un ensemble de vases s’offrent au regard sur un îlot central. Deux portraits, dont un conçu en mosaïque par Dunand luimême, le figure avec son éternelle casquette et son épais tablier de dinandier en cuir.
Cet apprentissage marque un tournant dans sa carrière. Ses pièces genevoises sont remarquées à Paris, d’autant qu’il y adjoint progressivement des incrustations d’or ou de nacre, les patine ou les recouvre de laque, leur conférant un aspect d’une grande préciosité.

La laque en treize leçons

Il développe également un large répertoire de motifs ornementaux, organiques, végétaux ou géométriques. En 1912, ce passionné des arts ancestraux fait la connaissance du maître japonais Seizo Sugawa, qui lui enseigne les rudiments de la laque en treize leçons.
Là encore, Dunand intègre la technique et la modernise. En témoigne une série d’objets raffinés datant des années 20, avec incrustation de coquille d’œuf, de poussière d’or ou d’ivoire. Étuis à cigarettes, nécessaire de toilette, minaudières, bijoux: le monde de la mode s’enthousiasme pour ses créations colorées qui collent à l’esprit des années folles. En 1921, ce touche-à-tout fonde avec François-Louis Schmied, Jean Goulden et Paul Jouve un groupe afin de créer et d’exposer des pièces de mobilier luxueuses à destination de l’élite. Au MAH, plusieurs paravents, tables basses et luminaires donnent un aperçu de cette activité.
Au faîte de sa carrière – à cette époque, ses cinq ateliers emploient jusqu’à 100 personnes –, l’artiste d’origine genevoise se voit confier, au début des années 30, la réalisation de cinq panneaux ornementaux pour le paquebot Normandie. Un travail colossal s’inspirant de l’Égypte ancienne, laqué or et sculpté en bas-relief, dont on peut apprécier trois maquettes réduites au un dixième. Épuisé par la tâche et accablé par la mort d’un de ses fils à la guerre, Jean Dunand s’éteint en 1942. Remis à son commanditaire la même année, un immense tableau représentant un éléphant clôt la visite. Un chant du cygne pour l’artiste mais aussi pour l’opulence esthétique qu’il incarnait: les années de conflit mondial mettront fin à tout ce faste.

Irène Languin - Tribune de Genève du 17 mars 2023

 

Vente de la collection Perelman - Sotheby's New-York 6 décembre 2022

 


Jean Dunand, ‘Low Table’, circa 1925 (Lot 39 of ‘The Perelman Collection’ at Sotheby’s New York, estimate $200,000-300,000. Sold for $1,102,500) COURTESY: Sotheby’s / ArtDigital Studio

 

The Ronald O. Perelman Art Deco collection brings some exceptional pieces to market – American design also makes a strong showing over the week.
[...]
The week will begin with the Ronald O. Perelman Art Deco collection at Sotheby’s on 6 December. The splendid works assembled by the American banker and businessman will certainly impress both young and seasoned clients – whether they are already Art Deco lovers or not.
[...]
But the sale also provides an almost comprehensive survey of the different materials mastered by Jean Dunand, amongst which is the ravishing and rare green ‘Low Table’ in a rich blue-green lacquered wood, enhanced with eggshell and mother-of-pearl inlays (Lot 39, estimate $200,000-300,000. Sold for $1,102,500).

Extraits du site The Design Edit (https://thedesignedit.com/market/sales-preview-december-sales-new-york-2022/)

 

Vente du "Fumoir aux Palmiers" - Phillips Londres 30 juin 2021

Les Palmiers de Dunand montent très haut


Le Fumoir aux Palmiers

 

Le Fumoir aux Palmiers a créé l'événement chez Phillips le 30 juin dernier, à Londres, lors de la vente de design. Si cette boiserie composée de 27 panneaux laqués aux vibrations grises, argentées et noires est passée quatre fois sur le marché depuis le décès de sa commanditaire, Colette Aboucaya (1896-1996), elle demeure un chef-d'œuvre de l'Art déco réalisé par Jean Dunand avec le décorateur Gérard Mille entre 1930 et 1936. Cette pièce d'une vingtaine de mètres carrés prenait place dans son appartement de la rue de Monceau, non loin des Camondo ou des Ephrussi.

Classée Trésor national par l'État français en 2011 lors de la vente du château de Gourdon, où elle fut adjugée 2,2 millions d'euros, elle s'est cette fois envolée à 3 289 500 livres (3 826 346 euros), un record pour l'artiste.

Stéphanie Pioda

Le Quotidien de l'Art (www.lequotidiendelart.com)
Édition N°2205/05 juillet 2021 à 21h05 (extrait)

 

Vente de "La Conquête du Cheval" - Enchères Océanes Le Havre 20 février 2021

Les enchères s'envolent


Cet ensemble de 18 panneaux, en laques or et de couleurs, sculptés en bas-reliefs sur bâti de “sabi”, témoigne de la qualité d'exécution de Jean Dunand et son atelier.

Dimensions : 3,11 mètres de haut pour 5,04 mètres de long.

 

Un lot unique, "La Conquête du Cheval" de Jean Dunand, redécouvert récemment dans une collection particulière au Havre, a été mis en vente le samedi 20 février. Les enchères se sont envolées.

Samedi 20 février, au Havre, Maîtres Allix & Revol ont mis à l'encan un lot extraordinaire signé Jean Dunand, laquiste Art déco mondialement renommé, intitulé La conquête du cheval, et datant de 1935. A l'origine, ces panneaux faisaient partie d'une œuvre plus grande que l'artiste, d'origine suisse mais naturalisé français, avait réalisée pour l'installer dans le fumoir du paquebot transatlantique de luxe, Normandie.

L'œuvre était estimée entre 250 000 et 300 000 euros. Elle a été adjugée 770 000 euros au marteau, soit 924 000 euros frais inclus. Une vente record témoignant de la virtuosité de l'art français des années 30.

Le Courrier Cauchois (www.lecourriercauchois.fr)
Publié le 22/02/2021 à 13h56 (extrait)

 

Vente Bergé - Saint Laurent    Christie's Paris 23-25 février 2009.

La vente de tous les records



Le Figaro Magazine Cahier Spécial du 28/02/09

 

“Je suis fier de l'exigence que nous avons apportée à chacun de nos achats, résume Bergé, je suis fier, également, de la part importante que nous avons prise dans la découverte de l'Art déco. Cette quête, nous l'avons faite à deux.” Premier coup de foudre en 1966 : “Nous passions en voiture rue Bonaparte, je conduisais, Yves s'est écrié : “Arrête-toi ! j'ai vu deux objets extraordinaires”. Dans le magasin de Jeanne Fillon, au milieu de cache-pots de barbotine et meubles en rotin, trônait une paire de vases monumentaux. Il s'agissait d'oeuvres de Jean Dunand, en cuivre laqué rouge et or. Elles s'avèreront historiques : les pièces figuraient, avec deux autres vases, à l'Exposition des Arts décoratifs de 1925, dans la cour du Pavillon des Métiers d'art.

Les vases furent achetés pour quelque 5 000 francs (750 euros). Estimation à ce jour ? Entre 1 et 1,5 million d’euros. Le goût récompensé.

Laurence Mouillefarine
Architectural Digest n°80 12/2008-01/2009 et madame.lefigaro.fr le 07/02/09 (extraits)

 

La paire de vase a été vendue 3.089.000 euros le 24 février 2009.

 

Marché de l'art
(Le Figaro n° 19 070 cahier n° 3 du 25/11/05)

De Paris à New-York, les prix flambent. Pièces exceptionnelles obligent

Vase fuselé en dinanderie de cuivre à patine noire signé Dunand. Pièce unique (1931).

 

L'ART DECO s'affirme comme une valeur solide, ayant presque des allures de père de famille, face au design, son cadet, météorite aux enchères et dans les foires. Hier à la Fiac, demain, à Art Basel, Miami Beach, où se retrouve, dès mardi, tout le gratin mondial de l'art contemporain. Certes, le marché de l'Art déco est tiré sans cesse vers le haut par les plus belles pièces de Rateau avec ses bronzes raffinés, Dunand avec ses laques précieuses et ses coquilles d'oeuf, Ruhlmann avec ses ébénisteries sophistiquées, Groult avec ses galuchats vert de gris ou caramel, ou Frank avec ses lignes épurées. Elles sont de plus en plus rares et de plus en plus chères sous l'assaut d'une élite toujours plus exigeante et connaisseuse, délaissant le moyen trop décoratif.

Première à ouvrir le feu dans la capitale, le cabinet Camard a décroché, lundi, à Drouot, un record à plus de 1 million d'euros avec son grand vase à ailettes vert bronze en dinanderie de cuivre à patine noire. Il venait d'un privé de l'hexagone et fut emporté par un amateur français contre un autre de ses compatriotes. [...]

Béatrice de Rochebouët

Le vase a été vendu 1.012.876 euros le 21 novembre 2005.

 

Paris perd deux panneaux de Jean Dunand
(Le Journal des Arts n°198 - du 10 au 23/09/04)

Le Musée d'art moderne de la Ville de Paris a dû les rendre cet été à leur propriétaire, la société maritime CMA-CGM

Les nostalgiques des paquebots gardent en mémoire les spectaculaires panneaux en laque de Jean Dunand (1877-1942), conçus pour le fumoir du Normandie sur le thème des "Jeux et joies de l'humanité". En 1960, le Musée d'art moderne de la Ville de Paris avait obtenu le dépôt de deux panneaux par le propriétaire du navire, la Compagnie générale transatlantique (CGT). Ces oeuvres représentant la Conquête du cheval et la Pêche n'ont pas été présentées souvent au public. Tout juste les avions-nous revus en 1997 lors de l'exposition "Les années 1930 en Europe 1929-1939 : le Temps menaçant".

Coup de tonnerre au printemps dernier, lorsque la société maritime CMA-CGM revendique soudain leur propriété. Elle a obtenu cet été gain de cause. En passant en revue les actifs "artistiques" de la CGT dont elle a hérités par un jeu de fusion-privatisation, l'entreprise avait déjà récupéré en 2002 la statue de Neptune de Carlo Sarrabezolles, érigée devant la gare maritime du Havre, et installée depuis à l'entrée de son siège marseillais. Vu la précipitation avec laquelle cette nouvelle affaire a été traitée, on peut se demander si la Ville de Paris a vraiment usé de son poids pour conserver les panneaux. "Les juristes ont étudié la question, mais il n'y avait pas eu de don explicite de la part de la CGT. Ils restaient donc propriété de la compagnie. Nous avions des arguments sensibles et moraux, mais on s'incline devant la loi", nous a expliqué un conservateur du musée. CMA-CGM récupère aussi les éléments métalliques d'accrochage, moyennant une obole de 15.000 euros à la Société des amis du Musée d'art moderne.

La pilule est amère, d'autant que le musée avait complété l'ensemble en achetant en 1980 un troisième panneau dédié au Sport pour 140.000 francs chez Ader-Picard-Tajan. Le porte-parole de CMA-CGM nous a déclaré ignorer encore la destination future de ces oeuvres. D'après les professionnels, l'éventualité d'une revente, du moins à un particulier, est improbable en raisons des dimensions. Mais si d'aventure l'entreprise les met sur le marché, espérons que l'Etat saura les classer trésors nationaux et en interdire l'exportation. Ainsi avait-il procédé en 2000 avec d'autres panneaux plus modestes de Dunand que le collectionneur Laurent Negro avait achetés pour 1,5 millions d'euros à la Biennale des antiquaires.

Roxana Azimi

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